Il est possible de prolonger les délais de consultation d’un commun accord entre l’employeur et les élus. Cet accord peut résulter des faits sans être forcément formalisé par un vote.

Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, une modification essentielle a été opérée dans le fonctionnement des consultations du CE : à défaut d’accord ou de consultations soumises à un délai spécifique, le comité d’entreprise doit rendre son avis dans un délai réglementaire à l’issue duquel il est réputé avoir rendu un avis négatif. Modifié sur certains détails, ce principe a été conservé pour le CSE.

Les premières décisions de jurisprudence à cet égard étaient très restrictives, et faisaient jouer la règle à plein. Ainsi, même si le comité dispose d’un recours en cas d’information insuffisante lui permettant en outre de demander la prolongation des délais de consultation, le dépassement de ces délais agissait comme un couperet.

Assouplissement en cours !

La Cour de cassation semble assouplir quelque peu ces règles ces derniers mois. Ainsi, un arrêt important de février 2020 a décidé que si le comité a bien saisi la juridiction avant l’expiration de son délai de consultation et, si le juge considère que la demande est fondée, celui-ci peut ordonner la production des éléments d’information complémentaires et dans ce cas, quelle que soit la date à laquelle il se prononce, prolonger ou fixer un nouveau délai de consultation pour une durée correspondant à celles fixées par le code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires (Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-22.759).

La décision du 8 juillet 2020 semble à nouveau apporter un assouplissement au régime en reconnaissant la prolongation des délais de consultation d’un commun accord entre l’employeur et le comité, sans toutefois forcément le formaliser par un vote du comité.

Une consultation qui se prolonge

Dans cette affaire, le comité d’entreprise est consulté sur la situation économique et financière et sur la politique sociale de l’entreprise. Lors de la séance du 27 octobre 2016, le comité désigne un expert-comptable pour l’assister dans le cadre de ces consultations annuelles. D’après l’employeur, le délai de consultation avait donc expiré deux mois plus tard à défaut pour le comité d’avoir saisi le président du TGI s’il estimait que l’information fournie était insuffisante.

Invoquant le dépassement par l’expert de ces délais impartis pour l’exercice de sa mission, l’employeur saisit le président du TGI pour voir dire que les honoraires réclamés par l’expert n’étaient pas dus.

Mais les juges du fond analysent le déroulé de la consultation et ne se rangent pas à son analyse. Ils pointent plusieurs faits, justifiant ne pouvoir opposer à l’expert l’expiration du délai de 2 mois  :

  • l’employeur avait continué à fournir d’autres informations en janvier 2017 sans considérer les demandes de l’expert comme illégitimes ou tardives ;
  • l’employeur ne démontrait pas avoir convoqué le comité à une réunion ayant pour objet de recueillir son avis avant celle du 27 avril 2017.

En effet, le PV de réunion du 26 janvier 2017 retraçait l’existence d’un vif débat entre les élus et la direction sans qu’à aucun moment, l’employeur ne relève que les délais étaient expirés. Enfin, lors de la réunion du 16 février 2017, il est constaté qu’un nouvel échange avait opposé les élus et la direction sur le périmètre et les honoraires de l’expertise : c’est seulement à ce moment là que l’employeur a soulevé la tardiveté de l’intervention de l’expert, sans toutefois en tirer les conséquences puisqu’il a mis à l’ordre du jour du comité du 27 avril 2017 la restitution des travaux de l’expert et la remise de l’avis du CE.

Pas d’accord de prolongation des délais de consultation voté par le comité

L’employeur n’est pas d’accord. Pour lui, seul un accord conclu entre l’employeur et le comité, adopté à la majorité des titulaires, peut allonger le délai de consultation. L’expert ne peut se prévaloir de la tenue de réunions du comité postérieures pour établir que le délai aurait été prolongé.

Et en effet, un arrêt de 2016 semble se prononcer en ce sens : il précise qu’un accord peut prévoir une prolongation des délais alors même que la consultation a déjà commencé, mais que cet accord doit être adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, et ne peut résulter de la convocation par l’employeur à une nouvelle réunion postérieurement à l’expiration du délai de consultation initial (Cass. soc., 21 sept. 2016, n° 15-19.003).
 Prolongation des délais d’un commun accord entre l’employeur et le comité

La Cour de cassation donne raison à la cour d’appel. Elle rappelle d’abord les règles applicables en matière de délai préfix et reprend le principe selon lequel un accord collectif de droit commun ou un accord entre le comité et l’employeur peut cependant fixer d’autres délais que ceux prévus réglementairement, le prolonger, ou modifier leur point de départ.

Puis la Cour de cassation reprend les constatations des juges du fonds précisant « qu’à la suite d’échanges avec le comité d’entreprise et le cabinet d’expertise, l’employeur a abondé la base de données économiques et sociales le 23 janvier 2017, provoqué une réunion extraordinaire du comité d’entreprise le 16 février 2017 pour discuter du périmètre et du coût de l’expertise puis fixé, conjointement avec le secrétaire du comité d’entreprise, au 27 avril 2017 la date de restitution des travaux d’expertise et de remise des avis du comité d’entreprise. » Et d’en déduire que « les délais de consultation du comité d’entreprise, et par conséquent de l’expertise, avaient d’un commun accord été prolongés jusqu’au 27 avril 2017 de sorte que le rapport d’expertise remis avant cette date n’avait pas été déposé hors délai. »

Ainsi, la Cour de cassation valide la prolongation des délais de consultation sans vote des élus, par le déroulé de la consultation et en particulier la tenue de plusieurs réunions postérieurement à l’expiration de ces délais, ainsi que la communication de documents supplémentaires à l’expert dans ce cadre.

► Remarque : la solution dégagée s’applique lorsqu’aucun délai de consultation n’a été préalablement fixé par accord. La Cour de cassation vise en effet les « délais prévus à l’article R. 2323-1-1 », c’est-à-dire les délais applicables à défaut d’accord. Il nous semble donc que si un accord existe sur les délais de consultation, cette solution ne devrait pas s’appliquer : dans ce cas, il faudrait respecter le parallélisme des formes et conclure un nouvel accord, soit avec le délégué syndical s’il s’agit d’un accord d’entreprise, soit avec le comité, à défaut de DS. Cette portée reste toutefois à confirmer.

Application au CSE

La solution et à notre sens transposable au CSE, les termes des articles L. 2312-16 et R. 2312-5 relatifs au CSE étant identiques sur ces points aux anciens articles L. 2323-3 et R. 2323-1-1 applicables au CE.

Source