Aucune exigence légale n’impose de vérifier le respect de l’obligation de transparence financière au regard des deux derniers exercices clos de l’organisation syndicale. Seul le dernier exercice clos précédant l’année au cours de laquelle a été exercée la prérogative syndicale en cause compte.
La transparence financière est l’un des critères que doit satisfaire un syndicat pour être représentatif. Elle se traduit par l’obligation de tenir des comptes annuels qui doivent être justifiés, arrêtés par un organe chargé de la direction, approuvés, et publiés (art. L. 2135-1 et suivants du code du travail). Les conditions liées à la tenue de ces comptes varient selon les ressources du syndicat. Ainsi, les syndicats dont les ressources sont inférieures à 2 000€ à la clôture d’un exercice doivent tenir un livre mentionnant chronologiquement le montant et l’origine des ressources et des dépenses, ainsi que les références au pièces justificatives (art. D. 2135-4). Cela implique-t-il que ces exigences soient respectées, sous peine de ne pas satisfaire le critère de transparence financière, pour tous les exercices clos ? Ou seulement pour l’exercice clos précédant la prérogative syndicale ? C’est la question à laquelle répond la Cour de cassation dans cet arrêt.
La transparence financière ne doit être évaluée que sur le dernier exercice clos
Dans cette affaire, le syndicat Rassemblement syndical RATP (RS-RATP) a, le 1er avril 2019, notifié à la RATP la désignation d’un représentant de section syndicale (RSS) au sein de l’un de ses établissements. Cependant, considérant que le syndicat RS-RATP ne remplissait pas le critère de transparence financière, la RATP demande l’annulation de cette désignation. Rappelons en effet que la Cour de cassation considère, depuis un arrêt du 22 février 2017 (lire notre article), que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière. Cet arrêt était en outre rendu à l’occasion de la désignation d’un RSS.
La RATP soutient notamment que les comptes des années 2014 à 2017 publiés par le syndicat comportent des irrégularités. Celles-ci, estime l’entreprise, sont de nature à remettre en cause la transparence financière du syndicat, exigée pour la validité de la désignation d’un RSS.
La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation. Elle estime qu’aucune exigence légale n’impose de vérifier le respect de l’obligation de transparence financière au regard des deux derniers exercices clos de l’organisation syndicale. Autrement dit, la transparence financière ne doit être évaluée que sur le dernier exercice clos. Ainsi, la désignation litigieuse étant intervenue en avril 2019, seul l’exercice de l’année 2018 devait être étudié. Les irrégularités tenant aux comptes des années précédentes ne pouvaient donc être prises en compte pour établir si le syndicat respectait, ou non, le critère de transparence financière lorsqu’il a désigné son RSS.
La transparence financière est respectée même si les comptes sont seulement « en cours » d’approbation et de publication
Concernant les comptes de l’année 2018, la RATP soutient que, bien que le syndicat ait produit une attestation d’un cabinet comptable certifiant de la régularité et de la sincérité des comptes, ces comptes n’étaient ni publiés, ni approuvés à la date de la désignation contestée.
Mais la Cour de cassation, une nouvelle fois, balaye cet argument. Elle relève que les comptes de l’année 2018 devaient être soumis pour approbation à l’assemblée générale devant se tenir en juin 2019. Puisque les formalités d’approbation et de publicité des comptes étaient en cours d’établissement, elle juge que le critère de transparence financière était bien satisfait lors de la désignation du salarié en qualité de RSS.
Notons pour finir que, dans un arrêt du 13 juin 2019 (lire notre article), la Cour de cassation avait jugé que lorsque les comptes du syndicat n’ont pas été approuvés par l’organe statutaire compétent, le critère de transparence financière n’était pas satisfait. Ce nouvel arrêt du 10 février 2021 semble donc apporter de la souplesse, dans le cas où l’approbation des comptes serait effectivement prévue peu de temps après la prérogative syndicale en cause.
Source : Actuel-CE