Le fait pour un comité d’entreprise de transférer les excédents de budget de fonctionnement vers le budget des activités sociales et culturelles (ASC) constitue un trouble manifestement illicite. Dans son principe, cette règle s’applique au CSE.

Aujourd’hui, avec le CSE, la séparation entre budget de fonctionnement et budget des activités sociales et culturelles (ASC) n’est plus absolue. Les élus du personnel le savent très bien, le comité social et économique peut décider « de transférer une partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles » (article L. 2315-61 du code du travail). Mais attention, ce transfert ne peut pas aller au-delà de 10 % de l’excédent annuel (article R. 2315-31-1).

Que pourrait-il se passer si un CSE, possédant d’importantes réserves de budget de fonctionnement, ne respecte pas cette limite des 10 % de l’excédent annuel ? Indirectement, la Chambre sociale de la Cour de cassation répond à cette question dans un arrêt du 20 octobre 2021.

L’employeur peut contester et agir en justice contre le CSE

La réponse est indirecte car l’affaire s’est produite sous l’empire de l’ancienne législation, donc à une époque où il était strictement interdit au comité d’entreprise de transférer le moindre centime de budget de fonctionnement vers le budget des ASC.

Amené à disparaître à compter du 31 août 2018 en raison d’une réorganisation au sein de PSA Automobiles, le comité d’établissement du site de La Garenne adopte un budget prévisionnel 2018 prévoyant « de transférer au budget des activités sociales et culturelles de l’année 2018 les excédents du budget de fonctionnement des exercices antérieurs ». Le montant du transfert s’élève à 995 025€.

Un trouble illicite

Estimant que ce budget prévisionnel ne respectait pas la distinction entre le fonctionnement et les activités sociales et culturelles, l’employeur assigne en référé le comité d’établissement PSA La Garenne. Pour lui, le fait de prévoir d’utiliser le budget de fonctionnement pour financer des ASC constitue « un trouble manifestement illicite » qu’il convient de faire cesser immédiatement en interdisant au CE de transférer les excédents de 0,2 vers le budget des ASC.

Confirmant l’ordonnance du tribunal de grande instance, la cour d’appel de Versailles reconnaît l’existence d’un trouble manifestement illicite et fait droit aux demandes de l’employeur.

Le comité d’établissement de PSA La Garenne est condamné à « présenter un nouvel état de ses budgets », à « réintégrer les reliquats de budget de fonctionnement des années précédentes au budget de fonctionnement 2018 » et à procéder au « remboursement des sommes déjà dépensées et issues du budget de fonctionnement et des reliquats des années précédentes pour financer irrégulièrement des activités sociales et culturelles ».

Le principe de séparation des budgets

Dans son arrêt du 20 octobre 2021, la Cour de cassation entérine définitivement cette condamnation.

Le comité d’établissement de PSA La Garenne « se devait de respecter strictement le principe de séparation des budgets ». Ne l’ayant pas fait dans le cadre de son budget prévisionnel de fonctionnement destiné à assurer l’exercice de ses missions et prérogatives jusqu’à la fermeture de l’établissement, il y avait bien lieu d’en déduire l’existence d’un trouble manifestement illicite.

► Remarque : d’après la jurisprudence, en cas de fermeture d’un établissement distinct, et donc de disparition du CSE d’établissement, les biens du comité d’établissement doivent être affectés aux CSE d’entreprise ou d’établissement du même groupe où les salariés ont été transférés (Cass. soc., 10 juin 1998, n° 96-20.112). En toute logique, les excédents de budget de fonctionnement du CE de PSA La Garenne auraient dû être versés aux CE des établissements au sein desquels les salariés de La Garenne avaient été transférés.

Que faut-il retenir de cette jurisprudence ?

Tout simplement que l’employeur pourrait agir contre le CSE qui ne respecterait pas la règle de séparation des budgets et qui, en cas de transfert vers le budget des ASC, irait au-delà de la limite des 10 % de l’excédent annuel de budget de fonctionnement.

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