Si les modifications apportées au financement d’un régime de prévoyance mis en place par décision unilatérale de l’employeur n’ont pas été portées à la connaissance de chaque salarié concerné par écrit, les cotisations patronales finançant le régime sont soumises à cotisations sociales.

Lorsqu’un régime de prévoyance est mis en place par décision unilatérale de l’employeur (DUE), ce dernier est tenu par un certain nombre d’obligations informatives.

Il doit préalablement soumettre le projet pour avis au comité d’entreprise (CE) ou, s’il existe, au comité social et économique (CSE).

Il doit aussi adresser un document écrit à chaque salarié concerné (art. L. 911-1 du code de la sécurité sociale) contenant a minima :

  • les catégories de personnes couvertes par les garanties collectives,
  • la nature des prestations,
  • le montant des cotisations et leur répartition,
  • la durée de l’engagement,
  • et les modalités de remise en cause et de dénonciation de l’engagement.

Le même document doit-il être remis au salarié lorsque le contrat de prévoyance adossé au régime change et modifie le financement du régime ? Si oui, quelle est la sanction d’un tel manquement ? Ce sont les questions posées à la Cour de cassation. Elle vient d’y répondre très clairement dans un arrêt du 14 mars 2019.Une diminution des cotisations salariales

Dans cette affaire, une société met en place en 2006 un régime de prévoyance (prévoyance lourde et complémentaire santé) par décision unilatérale de l’employeur. En 2010, elle souscrit auprès du même organisme assureur un nouveau contrat complémentaire santé qui reprend à l’identique les garanties collectives couvertes et les conditions de remboursement des frais de santé. En revanche, le montant des cotisations salariales finançant le régime de prévoyance complémentaire santé diminue très nettement ; le montant de la cotisation patronale est maintenu quasiment à l’identique. Soumises à l’avis préalable du comité d’entreprise (CE), ces modifications sont portées à la connaissance des salariés par voie d’affichage.

Suite à un contrôle opéré par l’Urssaf de Picardie sur les années 2010 à 2012, la société est redressée, pour défaut d’information des salariés. Les cotisations patronales finançant le régime sont réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales.La défense de l’entreprise

La société conteste ce redressement en justice, arguant que :

  • la forme que prend l’information individuelle des salariés n’est pas une condition requise pour bénéficier du régime social de faveur attaché au régime de prévoyance ;
  • les  modifications purement administratives opérées par le nouveau contrat avaient entraîné pour les salariés une baisse de leurs cotisations mais la cotisation globale (et la cotisation patronale) n’augmentant pas, l’absence de mise à jour du la DUE (acte juridique fondateur du régime) n’était pas préjudiciable.

La solution des juges : l’employeur perd le bénéfice du régime social de faveur

Les arguments de la société sont légitimement balayés par les juges du fond et la Cour de cassation qui valide le redressement. Si l’on reprend les constatations des juges du fond, en 2006, la cotisation patronale mensuelle s’élevait à 48 € et les cotisations salariales s’élevaient respectivement à 67 € pour une personne isolée, 77 € pour une personne avec un enfant, 88 € pour une famille et 60 € pour une personne invalide. En 2010, la cotisation patronale est réduite à 45 €, la cotisation salariale « personne isolée » à 9,82 €, la cotisation salariale « personne avec un enfant à charge » à 25,85 € et la cotisation salariale « famille » à 41,55 €.

Les taux de répartition employeur/salarié ont donc mathématiquement été modifiés. En conséquence, cette nouvelle répartition doit être analysée comme une modification de l’acte juridique fondateur du régime qui doit faire l’objet d’une information individuelle et écrite des salariés. A défaut, les cotisations patronales finançant ce régime de prévoyance ne peuvent pas bénéficier de l’exclusion d’assiette des cotisations sociales. Le redressement de l’Urssaf est donc justifié.

A noter que, dans un arrêt daté de 1998 (Cass. soc., 7 mai 1998, n° 96-41.020), la chambre sociale de la Cour de cassation confirmait la possibilité de modifier une DUE par une nouvelle DUE. Elle précisait toutefois que, dans ce cas, l’employeur devait dénoncer la DUE initiale puis prendre un nouvel engagement unilatéral qui prend la place de celui dénoncé.

Ainsi, suite aux modifications apportées au régime par le changement de contrat d’assurance santé, la société aurait dû idéalement dénoncer la DUE initiale dans les conditions requises par la jurisprudence (respect d’un préavis suffisant, dénonciation notifiée aux IRP ainsi qu’à chaque salarié) puis prendre un nouvel engagement unilatéral en respectant les obligations informatives visées ci-avant.

Signalons enfin que le dénonciation ne justifie pas, a priori et en l’état de la jurisprudence actuelle, un redressement Urssaf ; seul le manquement à l’obligation d’information des salariés le peut.

Source – Actuel CE