Lorsqu’une association ou une fédération (en l’occurrence ici la Fédération française de football) met en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) par accord collectif majoritaire, ce dernier doit être signé par les membres habilités par ses statuts. Toutefois, si la personne ayant signé l’accord n’avait pas qualité pour le faire, sa signature peut être ratifiée a posteriori.

Dans une décision mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle l’étendue du contrôle du Dreets (le directeur régional du travail) sur la qualité des signataires d’un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et les possibilités de recours sur cette étape de son contrôle. Il précise, pour la première fois à notre connaissance, que l’accord signé par un représentant de l’employeur n’ayant pas qualité pour le faire peut être régularisé par la suite, même après sa validation par le Dreets.

L’originalité de cette décision est qu’elle concerne la signature de l’accord par le mandataire de l’employeur, une fédération.

Qui signe l’accord majoritaire dans une association ou une fédération ?

En application de l’article L.2211-1 du code du travail, les dispositions de ce code relatives à la négociation collective s’appliquent aux employeurs de droit privé, y compris, donc, aux associations et fédérations.

L’article L.1233-41 du code du travail, relatif à l’accord collectif majoritaire portant PSE, ne prévoit aucune règle spécifique s’agissant de la signature par l’employeur. Ce sont donc les règles de droit commun de la négociation collective qui s’appliquent sur ce point. La validité de l’accord est subordonnée à sa signature par l’employeur ou son représentant (article L.2232-12 du code du travail). Dans une association ou fédération, comment transposer cette règle ?

Cette question est généralement réglée par les statuts ou le règlement intérieur de l’association ou de la fédération. À défaut de dispositions statutaires spécifiques ou de règlement intérieur attribuant la compétence à un organe de l’association ou de la fédération en particulier, le pouvoir de négocier revient au président de la structure, qui peut lui-même déléguer ses pouvoirs à un tiers.

► Les contentieux relatifs à la détermination de la personne titulaire du pouvoir de négocier au sein d’une association ou d’une fédération sont rares. Ils sont beaucoup plus nombreux s’agissant de la procédure de licenciement. La détermination de la personne titulaire du pouvoir de licencier dans une association ou une fédération donne en effet lieu à un abondant contentieux (notamment : arrêt du 29 septembre 2004 arrêt du 23 mars 2022), dont il résulte que, à défaut de dispositions statutaires spécifiques ou de règlement intérieur de la structure attribuant la compétence à un organe de l’association ou de la fédération en particulier, le pouvoir de licencier revient au président de la structure, qui peut lui-même déléguer ses pouvoirs à un tiers.

Le Dreets doit s’assurer de la qualité des signataires de l’accord collectif majoritaire …

L’affaire soumise ici au Conseil d’Etat concernait le PSE de la Fédération française de football (FFF) qui prévoyait la suppression de 22 postes. Ce PSE avait été prévu par un accord collectif majoritaire signé par le délégué syndical représentatif et par la directrice générale de la fédération qui, en vertu des dispositions statutaires, disposait de « tout pouvoir pour licencier ».

Plusieurs salariés ont saisi le juge administratif d’un recours contre la décision de validation de cet accord par le Dreets, en contestant notamment la capacité de la directrice générale à signer l’accord. Le tribunal administratif leur a donné raison (lire notre brève), mais le jugement a été annulé par la cour administrative d’appel de Paris. Cette dernière a confirmé le défaut de pouvoir de la signataire de l’accord, mais a pris en compte une délibération du comité directeur de la fédération ratifiant a posteriori cette signature.

Premier point rappelé par le Conseil d’Etat, saisi du litige : le Dreets ne peut pas valider l’accord collectif majoritaire sans s’être assuré de la qualité de ses signataires.

► Le Conseil d’Etat confirme ici une jurisprudence bien établie, rappelée à plusieurs reprises (s’agissant des syndicats signataires, décisions du 22 juillet 2015  385668 et 386496 ; décision du 6 avril 2022 ; s’agissant de l’employeur signataire d’un accord collectif majoritaire conclu au niveau d’une unité économique et sociale, décision du 2 mars 2022).

… mais le requérant ne peut pas se prévaloir d’un manquement à cette obligation

Le Conseil d’Etat confirme ensuite une solution retenue en 2019 : un requérant peut invoquer l’absence de qualité des signataires de l’accord collectif portant PSE, mais il ne peut pas faire valoir que le Dreets n’aurait pas procédé à la vérification de cette qualité pour demander l’annulation de la décision de validation (décision du 12 juin 2019).

La signature de l’accord peut être régularisée de façon rétroactive

Le Conseil d’Etat se penche ensuite sur la question de savoir s’il était possible pour la fédération de régulariser l’acte accompli par sa directrice au-delà de ses pouvoirs statutaires.

Pour le juge administratif, en l’absence de dispositions spéciales du code du travail y faisant obstacle, les dispositions du code civil s’appliquent à la signature par l’employeur des accords collectifs portant PSE.

Or, selon l’article 1156 du code civil, « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté […] et le tiers cocontractant peut en invoquer la nullité ». Toutefois, « l’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié ». Par ailleurs, selon l’article 1998 du code civil, « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement ».

Ainsi, selon le Conseil d’Etat, qui confirme l’analyse de la cour administrative d’appel de Paris, le comité directeur de la fédération pouvait valablement ratifier la signature de l’accord majoritaire par sa directrice générale sans entacher sa validité, dès lors que les statuts de la fédération le permettaient.

► Rappelons que le défaut de qualité d’un délégué syndical s’apprécie à la date de la signature de l’accord portant PSE : si, à cette date, le délégué ne peut pas engager son syndicat, l’accord n’est pas valable (décisions du 22 juillet 2015 n° 385668 et 386496). Par conséquent, le syndicat ne peut pas valider rétroactivement la désignation de son délégué.

Mais, comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, le mandat dont dispose un délégué syndical n’est pas seulement un pouvoir de représentation du syndicat : c’est une fonction à laquelle sont attachées des prérogatives et une protection, et qui ne peut donc pas être attribuée à titre rétroactif. Le mandat de celui qui signe pour l’employeur, personne morale, est d’une nature différente, ce qui explique qu’une ratification ultérieure soit possible.

Le juge ajoute que cette ratification a pu valablement intervenir après la validation de l’accord collectif par le Dreets.

► La prise en compte d’une ratification postérieure à la décision de validation du Dreets méconnaît-elle le principe selon lequel la légalité d’une décision administrative s’apprécie selon les circonstances de droit et de fait applicables lorsqu’elle a été prise, comme le soutenaient les requérants ? Ce n’est pas le cas selon le rapporteur public, qui rappelle qu’en matière de PSE, le juge de l’excès de pouvoir statue au vu du dossier qui lui est soumis, lequel peut comporter non seulement les éléments dont disposait l’administration à la date de sa décision, mais aussi, le cas échéant, des éléments produits seulement devant lui (décision du 21 octobre 2015).

Enfin, en droit civil, la ratification régulière d’un pouvoir est rétroactive, quelle qu’en soit la date (arrêt du 4 décembre 1979).

Laurence Méchin

Source – Article issu du site Actuel CSE