En vue de la mise en place du CSE, l’employeur doit négocier loyalement le protocole d’accord préélectoral avec toutes les organisations syndicales intéressées. Refuser de communiquer aux syndicats qui ne sont pas implantés dans l’entreprise des informations pouvant servir à contrôler la répartition du personnel et des sièges dans les collèges peut justifier l’annulation des élections.

Pas facile de négocier avec de nouveaux interlocuteurs, et de communiquer des informations sur ses salariés à une organisation syndicale qui n’a pas encore constitué de section syndicale dans l’entreprise. Mais en vue de l’institution du CSE l’employeur doit jouer le jeux de la transparence, sous peine de devoir reprendre depuis zéro tout le processus électoral.

Pas besoin d’être représentatif pour négocier la mise en place du CSE

En vue des élections, l’employeur doit inviter par courrier à négocier le protocole d’accord préélectoral les organisations syndicales déjà représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, ainsi que les syndicats affiliés aux cinq grandes confédérations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel (CFDT, CGT, FO, CFTC et CFE-CGC).

Sont aussi informées par tout moyen de l’organisation des élections et invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral les organisations syndicales qui répondent aux critères suivants (article L. 2314-5 du code du travail) :

  • être légalement constituées ;
  • satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance ;
  • être constituées depuis au moins 2 ans ;
  • couvrir le champ professionnel et géographique de l’entreprise ou l’établissement concernés par l’élection.

Les organisations syndicales potentiellement visées par cette information, et qui peuvent prétendre à participer au processus électoral, ce sont donc aussi celles qui n’ont pas encore « pignon sur rue » dans l’entreprise ou l’établissement.

Pour davantage d’éléments de calendrier relatifs à l’organisation des élections professionnelles, consulter ici notre rétroplanning.

 
L’union locale CGT demande l’identité et la classification des salariés

En juillet 2018, une société agricole invite les organisations syndicales à négocier le protocole préélectoral pour la mise en place du CSE. Se présentent à la négociation les syndicats CFDT et CFE-CGC, représentatifs dans l’entreprise, et l’union locale CGT, non représentative. Pendant les négociations, la CGT demande, en vue de contrôler la régularité du processus électoral, la communication d’une liste nominative des salariés et pour chaque salarié sa fonction, son statut et son niveau. L’employeur répond qu’il ne souhaite pas « communiquer des éléments nominatifs et confidentiels à des personnes extérieures à l’entreprise ».

Même à l’égard des organisations syndicales de l’entreprise, l’employeur est tenu de garantir le respect de la vie privée des salariés. Il a ainsi été jugé que l’employeur qui, dans le cadre d’un litige électoral relatif à certaines candidatures, transmet à des organisations syndicales des bulletins de paie sans masquer certaines informations personnelles porte atteinte à la vie privée de ses salariés (lire l’arrêt du 7 novembre 2018).

 

Pour justifier son refus, la direction s’appuie également sur une jurisprudence du 6 janvier 2016, qui indique que pour satisfaire à son obligation d’information l’employeur peut soit mettre à disposition des syndicats le registre unique du personnel et des déclarations sociales nominatives (DSN) des années concernées dans des conditions permettant l’exercice effectif de leur consultation, soit communiquer à ces mêmes syndicats des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels, notamment relatifs à la rémunération des salariés.

La négociation du protocole préélectoral se poursuit et un accord est trouvé avec la CFDT et la CFE-CGC. Il est procédé aux élections en septembre 2018.

L’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans les négociations
La CGT conteste la validité des élections, et par conséquent des mandats au CSE, au motif d’un manquement de l’employeur à son obligation de loyauté dans la négociation collective. Cet argument fait mouche d’abord devant les juges d’appel, puis en cassation : « L’employeur est tenu de mener loyalement les négociations d’un accord préélectoral notamment en mettant à disposition des organisations participant à la négociation les éléments d’information indispensables à celle-ci », déclare la Cour de cassation. Et la Haute juridiction d’en déduire que « dès lors que la contestation du protocole préélectoral a été introduite judiciairement avant le premier tour des élections, ou postérieurement par un syndicat n’ayant pas signé le protocole et ayant émis des réserves expresses avant de présenter des candidats, le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions de validité prévues par l’article L. 2314-6 du code du travail« . Cette dernière précision est à relever : même l’existence d’un protocole préélectoral signé à la double condition de majorité ne permet pas de sauver l’accord négocié en violation de l’obligation de loyauté.

 

Il est aussi à noter qu’en cas de manquement à l’obligation de négociation loyale du protocole, la contestation doit avoir été introduite judiciairement avant le premier tour des élections, ou postérieurement par un syndicat n’ayant pas signé le protocole et ayant émis des réserves expresses avant de présenter des candidats.

Source – Actuel CE