Pour déterminer les salariés qui seront licenciés pour motif économique, l’employeur peut, sous certaines conditions, tenir compte de la seule assiduité pour apprécier les qualités professionnelles de ses salariés.
Déterminer le ou les salariés susceptibles d’être licenciés constitue une étape obligatoire à tout projet de licenciement pour motif économique, qu’il soit individuel ou collectif. C’est une étape sensible et complexe car il s’agit de comparer de manière objective et équitable des salariés entre eux. Pour identifier ces salariés, l’employeur doit prendre en compte des critères.
Ainsi lorsqu’il procède à un licenciement collectif pour motif économique de plus de 10 salariés sur une même période de 30 jours, et en l’absence de convention ou d’accord collectif applicable, il définit lui-même ces critères dans le cadre d’un document unilatéral, après consultation du CE, ou du CSE s’il est mis en place (articles L.1233-35 et L.1233-24-4 du code du travail).
Les critères ainsi définis doivent tenir compte de quatre critères légaux : les charges de famille, l’ancienneté, les caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle particulièrement difficile et les qualités professionnelles. La validité de ces critères est contrôlée par la Direccte lors de la demande d’homologation du PSE unilatéral (article L.1233-57-3 du code du travail).
L’employeur doit nécessairement prendre en compte l’ensemble de ces critères. Il ne peut omettre l’un de ces critères ou neutraliser l’un d’entre eux en lui attribuant la même valeur pour tous les salariés, sauf à démontrer être dans l’impossibilité matérielle de pondérer ce critère (décision du Conseil d’Etat du 1er février 2017).
L’assiduité peut-il être un indicateur unique pour évaluer les qualités professionnelles des salariés ?

Parmi les critères légaux à prendre en compte pour déterminer les salariés susceptibles d’être licenciés, celui des qualités professionnelles pose souvent des difficultés à l’employeur : il a un choix discrétionnaire, car sauf détournement de pouvoir, il est seul juge des aptitudes professionnelles de ses salariés. Difficultés augmentées lorsque l’entreprise n’a pas mis en place de système d’évaluation de ses salariés. La prise en compte du critère des qualités professionnelles peut donc s’avérer particulièrement délicate. Dans cette hypothèse, l’employeur peut donc être amené à apprécier les qualités professionnelles à la lumière de sous-critères.

Dans deux arrêts du 22 mai dernier, le Conseil d’État précise dans quelles conditions l’employeur peut prendre en compte l’assiduité des salariés comme critères d’appréciation de leurs qualités professionnelles : si en l’absence de mise en place d’un système d’évaluation des salariés, l’employeur peut se référer à un indicateur tiré du montant des primes d’assiduités versées, corrigé des variations liées aux motifs légaux d’absence (décision du Conseil d’Etat du 22 mai 2019), en revanche, il ne peut se référer au seul nombre d’absences injustifiées des salariés dès lors qu’un système d’évaluation est mis en œuvre depuis des années dans l’entreprise (décision du Conseil d’Etat du 22 mai 2019).

Dans la première espèce, l’entreprise, dépourvue de tout système d’évaluation des salariés, élabore un PSE unilatéral dans lequel la prime versée aux salariés est prise en compte pour pondérer le critère des qualités professionnelles. Cet indicateur est recalculé de façon à ne pas pénaliser les salariés absents pour des motifs légaux (accident du travail, maladie professionnelle, congés de maternité). Le document est homologué par la Direccte. Plusieurs salariés ainsi que le CE de l’entreprise demandent l’annulation de cette décision en raison de l’insuffisance du PSE au regard des critères d’ordre des licenciements. Ils estiment que le critère des qualités professionnelles n’a pas été pris en compte.

Dans la seconde espèce, la Direccte homologue un PSE unilatéral qui prend en compte les absences injustifiées des salariés au cours des deux dernières années pour pondérer les qualités professionnelles. Plusieurs salariés demandent l’annulation de cette décision au motif que le document ne prend en compte que les absences injustifiées pour mesurer le critère des qualités professionnelles alors que l’entreprise dispose depuis plusieurs années d’un système d’évaluation des salariés.

L’existence d’un système d’évaluation des salariés exclut le recours au critère de l’assiduité

Pour décider si l’assiduité peut être utilisée comme seul indicateur des qualités professionnelles, le Conseil d’État distingue selon qu’il existe ou non un système d’évaluation objectif des salariés dans l’entreprise.

Ainsi dans la première affaire, la cour administrative, approuvée par le Conseil d’État, considère qu’en l’absence de tout système d’évaluation des salariés, l’indicateur tiré du montant des primes d’assiduités versées par l’entreprise, recalculé de façon à ne pas pénaliser les salariés absents pour motifs légaux, permet de prendre en compte les qualités professionnelles. Cet indicateur de substitution étant valable, il n’y a pas lieu de remettre en cause la décision d’homologation du document unilatéral.

En revanche dans la seconde espèce, le Conseil d’État considère, en se fondant sur l’existence dans l’entreprise, et ce depuis plusieurs années, d’un processus d’évaluation des salariés, que l’entreprise était en mesure de mesurer les qualités professionnelles des salariés sans avoir à se fonder sur le critère des absences injustifiées. Les résultats de ces évaluations doivent être privilégiés pour appliquer le critère des qualités professionnelles. En conséquence, la Direccte n’aurait pas dû homologuer le document unilatéral. Cette décision est annulée.

A noter : une version préparatoire du PSE avait par ailleurs prévu des critères prenant en compte les qualités professionnelles à partir des résultats de ces évaluations.

Source – Actuel CE