Y compris au sein du centre de formation des conseillers prud’hommes CGT, la liberté d’expression n’est pas sans limites. C’est ce que vient d’apprendre a ses dépens un salarié et militant de longue date un peu trop virulent à l’encontre de sa hiérarchie.

La liberté d’expression, droit constitutionnel également garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ne s’arrête pas au seuil de l’entreprise. La seule limite posée par les juges est que ce droit « ne dégénère pas en abus » (lire l’arrêt du 29 novembre 2006). Et l’abus est caractérisé lorsque les termes utilisés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. L’illustration à travers un arrêt du 13 février 2019.Les frontières de la liberté d’expression en débat au centre de formation des prud’hommes CGTCette affaire concerne un directeur d’études au sein de l’association Prudis, institut de formation des conseillers prud’hommes CGT. Après quinze années dans son poste, il est licencié au motif d’un abus de la liberté d’expression au travers de ses critiques à l’égard du directeur et du président de l’association.Pour obtenir des prud’hommes l’annulation de la sanction, le salarié avance que l’éventuel abus dans l’exercice de la liberté d’expression du salarié « doit se faire in concreto, au regard des responsabilités qui lui sont confiées, du contexte des propos incriminés, de la tolérance dont il a jusqu’alors pu être fait preuve, ou du franc parler en usage dans l’entreprise. Il en va d’autant plus ainsi dans une association syndicale dont chaque membre ou employé est par définition un militant engagé dans la défense des droits des salariés, et où le débat et la confrontation d’idées sont partie intégrante du fonctionnement de l’entreprise », insiste-t-il.Le salarié, militant syndical ou non, ne doit pas aller trop loinCette argumentation ne convainc ni la cour d’appel de Paris, ni la Cour de cassation. « Le salarié a dans différentes lettres mentionné qu’il refusait « d’accourir ventre à terre pour répondre à l’injonction hiérarchique « bête et méchante » « , qualifié de « torchon » la lettre du 8 mars 2005 adressée par le directeur et le président de l’association et ayant « suscité le dégoût chez la plupart de ses lecteurs », écrit que le directeur mentait « effrontément » et que la « bonne foi » du président n’était pas « parfaite », que le directeur jouait « au caporal » et que le président de l’association se laissait « aspirer […] par la galaxie « droits et libertés » qui érige en vertu la pratique des coups tordus », récapitulent les juges. Pour ces derniers, de tels propos, largement diffusés au sein de l’association, constituent effectivement un abus de la liberté d’expression du salarié caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement. 

Source – Actuel CE