Si une réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, le PSE doit contenir des mesures de prévention et de protection précises et concrètes, sur lesquelles le CSE doit avoir été régulièrement informé et consulté, sous peine de refus de validation ou d’homologation.

Par deux décisions du 21 mars 2023, le Conseil d’État confirme des arrêts récents de la cour administrative d’appel de Versailles relatifs à la prise en compte des risques psychosociaux (RPS) par l’employeur qui élabore un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) (CAA de Versailles, 29 novembre n° 21VE02582 ; CAA de Versailles 22 décembre 2020 n° 20VE02478, 20VE02492).

Le Conseil d’Etat était saisi de recours relatifs :

  • d’une part, au PSE d’un groupe de presse sportive supprimant la totalité des emplois d’une société du groupe, qui avait été homologué par l’administration alors qu’il ne comportait aucune mesure de nature à protéger la santé des salariés pour la période comprise entre l’annonce de la réorganisation et leur départ définitif de l’entreprise (décision n° 460660/460924) ;
  • d’autre part, au PSE d’un organisme public de formation pour lequel l’administration s’était assurée que le CSE avait bien été informé et consulté sur les risques psychosociaux, mais n’avait pas vérifié que le document unilatéral de l’employeur comportait des mesures adéquates (décision n° 450012).
L’administration doit contrôler que les risques psychosociaux ont été pris en compte

La prise en compte des risques psychosociaux, même en cas de cessation d’activité ou de liquidation judiciaire

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les principes issus d’un arrêt du Tribunal des conflits, qui a posé les bases des obligations de l’employeur et du juge en matière de protection des salariés contre les risques psychosociaux liés à une réorganisation (tribunal des conflits, 8 juin 2020).

Lorsque le projet de réorganisation donne lieu à l’élaboration d’un PSE, l’administration doit vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour cela, elle contrôle :

  • d’une part, la régularité de la consultation du CSE, qui doit notamment être informé et consulté sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (articles L.1233-30L.1233-57-2 et L.1233-57-3 du code du travail) ;
  • d’autre part, les mesures prises par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité, telle que prévue par l’article L.4121-1 du code du travail, au titre des modalités d’application de l’opération projetée.

Le Conseil d’Etat apporte deux précisions sur ce principe :

  • l’employeur doit respecter ces obligations même en cas de cessation d’activité ou de liquidation judiciaire impliquant la suppression de tous les emplois : il reste tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés, et ce jusqu’à la date de fin de l’opération envisagée ;
  • le contrôle exercé par l’administration n’est pas séparable de celui auquel elle est tenue, en application du code du travail, lorsqu’elle est saisie d’une demande de validation ou d’homologation d’un PSE.

► La précision du juge administratif sur le caractère « non séparable » du contrôle administratif devrait notamment signifier que les mesures de protection de la santé prévues par le document unilatéral de l’employeur doivent être appréciées de façon globale. Pour autant, cela ne signifie pas, selon nous, que la qualité de ces mesures doive être examinée par le Dreets en fonction des moyens, notamment financiers, de l’entreprise ou, le cas échéant, du groupe, au regard de l’importance du projet de licenciement et des efforts de formation et d’adaptation de l’employeur (à la différence des mesures de reclassement prévues par le PSE , cf instruction du 19 juillet 2013, fiche 2, III, 3.2.3).

La répartition des pouvoirs entre juge administratif et juge judiciaire

S’agissant des rôles respectifs du juge administratif et du juge judiciaire en matière de contrôle du respect par l’employeur de ses obligations s’agissant des risques psychosociaux, le Conseil d’Etat reprend également un principe énoncé par le Tribunal des conflits (voir plus haut).

Le juge administratif est seul compétent pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de sécurité lors de l’élaboration du PSE. En revanche, le contrôle du respect de cette obligation lors de la mise en œuvre du plan relève de la compétence du juge judiciaire.

Un contrôle de la procédure d’information-consultation du CSE et du PSE étendu

Les décisions du Conseil d’Etat indiquent à l’employeur et à l’administration la marche à suivre, en trois temps, pour que les risques psychosociaux soient bien pris en compte dans la réorganisation menant au licenciement collectif.

Les pouvoirs d’injonction et d’observation de l’administration en cours de procédure

L’administration, une fois informée par l’employeur de l’engagement d’une procédure de licenciement collectif, peut intervenir à tout moment pour formuler des propositions ou observations visant à compléter ou modifier le PSE (article L.1233-57-6 du code du travail). Elle peut également, sur demande motivée des représentants du personnel, enjoindre à l’employeur de leur fournir des informations relatives à la procédure en cours (article L.1233-57-5 du code du travail).

Le Conseil d’Etat précise que ces interventions du Dreets peuvent être relatives :

  • aux conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ;
  • et, le cas échéant, aux actions arrêtées par l’employeur pour prévenir les risques et en protéger le travailleur.

► Ainsi, le Conseil d’Etat confirme que l’administration peut intervenir au stade de l’élaboration du PSE pour s’assurer que les risques pour la santé et la sécurité des salariés auront bien été pris en compte par l’employeur, et que le CSE aura disposé d’informations suffisantes pour être régulièrement consulté sur cette question. Si le Dreets fait usage de ce pouvoir, l’employeur a tout intérêt à en tenir compte : à défaut, il risque un refus d’homologation du PSE (pour un exemple, voir CAA de Versailles 6 décembre 2022 n° 22VE02215).

L’étendue de l’obligation d’information-consultation du CSE sur les risques psychosociaux

Pour homologuer le document unilatéral portant PSE, le Dreets doit s’assurer que le CSE a été régulièrement informé et consulté (article L.1233-57-3 du code du travail). Le CSE doit avoir été mis à même d’émettre un premier avis sur l’opération projetée, et un autre sur le projet de licenciement et le PSE, tous les éléments utiles devant lui avoir été transmis (Conseil d’Etat, 22 juillet 2015).

Ainsi, s’agissant des risques psychosociaux, l’employeur doit transmettre au CSE des éléments relatifs à l’identification et à l’évaluation des conséquences de la réorganisation de l’entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs. En présence de telles conséquences, il doit lui indiquer les actions arrêtées pour prévenir ces risques et pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces informations sont transmises avec la convocation à la première réunion.

On savait déjà que le CSE doit être informé et consulté sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (article L.1233-30 du code du travail). Cela implique nécessairement que l’employeur identifie en amont les risques liés à l’opération qu’il envisage, non seulement à l’égard des salariés dont le licenciement est envisagé, mais également pour ceux qui restent en poste au terme la réorganisation.

C’est la première fois à notre connaissance que le Conseil d’Etat affirme de manière catégorique que le CSE doit systématiquement se voir communiquer les éléments recueillis par l’employeur. A défaut, le PSE ne devrait pas pouvoir être homologué.

Des mesures précises et concrètes dans le PSE, si nécessaire

Si, au vu des éléments d’identification et d’évaluation des risques sur lesquels le CSE a été consulté, il est retenu que la réorganisation présente des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, l’employeur doit intégrer au PSE des actions pour y remédier.

Les mesures prises doivent figurer parmi celles prévues par l’article L.4121-1 du code du travail : actions de prévention des risques, d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, le tout en respectant les principes généraux de prévention énoncés par l’article L.4121-2 du même code.

Ces mesures, prises dans leur ensemble, doivent être propres à prévenir les risques et à en protéger les travailleurs.

Ces principes, inédits, appellent plusieurs remarques.

Tout d’abord, le Conseil d’État conditionne la présence dans le PSE de mesures relatives aux risques psychosociaux au constat que la réorganisation fait peser de tels risques sur les salariés. Cela devrait être assez systématique, dans la mesure où un plan de licenciement collectif est par nature anxiogène pour les salariés.

Ensuite, une incertitude demeure quant au constat de la nécessité de telles mesures. Le Conseil d’État ne précise pas clairement si cette conclusion doit émaner de l’employeur, du CSE ou être partagée. En tout état de cause, si le CSE conclut à la présence d’un risque, l’employeur a tout intérêt à prévoir des mesures en ce sens dans le PSE.

Enfin, s’il intègre des mesures de lutte contre les risques psychosociaux dans le PSE, l’employeur ne peut pas se contenter de déclarations d’intention, ou de mesures vagues : le PSE doit en effet, dans ce cas, prévoir des engagements précis, concrets et proportionnés à l’ampleur du projet.

Le double contrôle de l’administration

Le Dreets, saisi d’une demande d’homologation du PSE, doit exercer un double contrôle. Il vérifie en effet :

  • si les facteurs de risque identifiés par l’employeur et soumis au CSE justifient la mise en place de mesures spécifiques dans le PSE ;
  • et, dans le cas où de telles mesures sont mises en place, leur pertinence à l’égard de l’objectif de prévention des risques.

Si ces conditions ne sont pas remplies, le PSE ne peut pas être homologué.

On notera toutefois que le Conseil d’État n’exige pas du Dreets qu’il s’assure du caractère suffisant de ces mesures, dont l’objet n’est pas d’éviter les licenciements ou d’en limiter le nombre : le contrôle qu’il exerce est distinct de celui porté sur les mesures de reclassement prévues par le PSE. Cela ressort, en particulier, de la première espèce, dans laquelle le Conseil d’État relève que la cour d’appel s’était assurée de la présence de mesures de lutte contre les risques psychosociaux dans le document unilatéral, mais ne s’était pas penchée, à juste titre, sur leur caractère approprié.

 

Ces principes, inédits, appellent plusieurs remarques.

Tout d’abord, le Conseil d’État conditionne la présence dans le PSE de mesures relatives aux risques psychosociaux au constat que la réorganisation fait peser de tels risques sur les salariés. Cela devrait être assez systématique, dans la mesure où un plan de licenciement collectif est par nature anxiogène pour les salariés.

Ensuite, une incertitude demeure quant au constat de la nécessité de telles mesures. Le Conseil d’Etat ne précise pas clairement si cette conclusion doit émaner de l’employeur, du CSE ou être partagée. En tout état de cause, si le CSE conclut à la présence d’un risque, l’employeur a tout intérêt à prévoir des mesures en ce sens dans le PSE.

Enfin, s’il intègre des mesures de lutte contre les risques psychosociaux dans le PSE, l’employeur ne peut pas se contenter de déclarations d’intention, ou de mesures vagues : le PSE doit en effet, dans ce cas, prévoir des engagements précis et concrets, proportionnés à l’ampleur du projet et aux moyens de l’entreprise ou, le cas échéant, du groupe

 

Laurence Méchin
 
Source – Actuel CSE