Un accord collectif peut prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté syndicale du salarié, respecte l’anonymat des salariés adhérents, et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise. Toutefois, le montant de cette participation ne doit pas représenter la totalité de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déduction fiscale.

Le financement principal d’un syndicat résulte des cotisations versées par ses adhérents. Ces cotisations sont plus importantes qu’elles n’y paraissent, puisqu’elles constituent l’un des critères de représentativité des syndicats. Elles le sont d’autant plus que ce critère est rapproché du critère des effectifs, qui à eux deux, permettent de déterminer si le syndicat représente vraiment les intérêts de l’ensemble des salariés, s’il peut être indépendant, exercer son influence et agir grâce à ses ressources. C’est la raison pour laquelle il est interdit à tout employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer aux lieu et place de celui-ci (art. L. 2141-6 du code du travail).

Cependant, il n’est pas formellement interdit aux entreprises de financer les syndicats. Elles peuvent, dans ce cadre, avoir recours à diverses solutions. Certaines concluent des accords en vue de favoriser l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales représentatives, et prévoient une prise en charge d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles. C’est le cas dans cet arrêt.

► Remarque : on parle également parfois de « chèque syndical », lorsque cette prise en charge prend la forme d’un titre de paiement émis chaque année par l’employeur pour permettre au salarié de financer le syndicat de son choix, sans qu’il soit tenu d’y adhérer, et dont le montant est fixé en concertation avec les syndicats.

Mais, quelles sont les limites de ces dispositions conventionnelles ? Que peuvent-elles, ou pas, prévoir ? Cet arrêt du 27 janvier 2021 apporte des précisions inédites à ces questions (1).

Un accord collectif qui prévoit la prise en charge d’une partie des cotisations syndicales

Dans cette affaire, le litige porte sur une disposition d’un accord collectif qui prévoit le remboursement par l’employeur, aux salariés syndiqués, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées aux syndicats représentatifs, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu. Ce remboursement est effectué par l’intermédiaire des syndicats et d’un organisme tiers.

Un syndicat demande la suspension de cette disposition. L’employeur tente de se défendre en expliquant qu’afin de garantir l’anonymat des adhérents, le calcul de ces montants est effectué, pour chaque organisation syndicale, par un organisme extérieur indépendant à partir des informations concernant le nombre de membres et le montant de leurs cotisations civiles. Il explique qu’au cours du trimestre suivant, l’entreprise verse ces montants à l’organisme extérieur indépendant qui les reverse ensuite à l’organisation syndicale, charge à elle de rembourser ses adhérents. Mais cette argumentation ne convainc pas la cour d’appel qui considère que la suspension de ce dispositif conventionnel est légitime, et elle fait donc droit à la demande syndicale. La cour d’appel considère que ce dispositif permet à l’employeur de disposer d’une information non prévue par la loi sur le nombre d’adhérents des syndicats et d’une information sur l’influence des syndicats tous les ans.

Ne pas porter atteinte aux grands principes du droit syndical

La Cour de cassation profite de cette affaire pour poser un cadre juridique à ce type de dispositifs conventionnels qui sont valables, mais sous conditions. La Cour de cassation affirme le principe selon lequel un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l’activité syndicale, et dans ce cadre, en vue d’encourager l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles. Mais, à plusieurs conditions seulement :

  • cela ne doit pas porter atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix ;
  • cela ne doit pas permettre à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales ;
  • cela doit bénéficier tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise.

Ne pas prendre en charge la totalité du montant de la cotisation due

Une fois ce cadre posé, la Cour de cassation fixe une limite : le montant de la participation ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales. Si tel était le cas, cela serait en contradiction avec le critère d’indépendance posé par l’article L. 2121-1 du code du travail, nécessaire à l’établissement de la représentativité d’un syndicat.

Rappelons en effet que pour représenter effectivement les intérêts du salarié, le syndicat doit être indépendant de l’employeur, aussi bien financièrement que dans ses actes. Si l’employeur finance l’intégralité des cotisations qui constituent son financement, cette indépendance est par nature remise en cause.

Le dispositif conventionnel en cause ne répond pas à ces exigences

Dans cette affaire, la disposition conventionnelle ne répondait pas à ces exigences, pour les raisons suivantes :

  • elle ne visait que les organisations syndicales représentatives ;
  • elle prévoyait le financement par l’employeur de la partie des cotisations individuelles restant à charge des salariés une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu, soit la totalité du montant de la cotisation due par le salarié.

La Cour de cassation en déduit donc que cette disposition constitue un trouble manifestement illicite, et rejette le pourvoi. 

Source : Actuel-CSE