En tant que membre du CSE (ex-CHSCT), vous avez un rôle à jouer en matière de harcèlement moral. Que ce soit un rôle de prévention, d’action ou d’expertise, voici tout ce que vous devez savoir sur les actions à mener en matière de harcèlement moral dans votre entreprise.
 
A partir du 1er janvier 2020, le CE, CHSCT et les DP n’existeront plus, ils ont été remplacés par le comité social et économique (CSE) qui regroupe les différents représentants du personnel dans l’entreprise. Il fusionne les délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). CSE = CE + CHSCT + DP

Principe :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (1).

Mettre en oeuvre des actions de prévention du harcèlement moral

N’attendez pas de devoir prendre en charge un salarié qui s’estime victime de harcèlement au travail pour agir.

Une de vos missions essentielle, en votre qualité de membre du comité social et économique (CSE), est de contribuer à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise.

2 ans de prison et 30.000 euros d’amendeSanction de l’auteur de harcèlement

Le Code du travail vous autorise ainsi à proposer toute mesure que vous estimez utile pour prévenir et lutter contre le harcèlement moral (2). Si votre employeur refuse vos actions, il doit motiver sa réponse.

Voici un certains nombre d’actions que vous pouvez mettre en oeuvre, en tant que membre du CSE, pour prévenir les actes de harcèlement moral :

Informer et sensibiliser les acteurs dans l’entreprise

Mener des actions d’information et de sensibilisation auprès de la direction, des managers mais également des salariés.

L’objectif recherché est simple : favoriser la connaissance des phénomènes de harcèlement et de violence au travail, savoir les détecter, réagir et mieux appréhender leurs conséquences au sein de l’entreprise.

Vous renseigner auprès de la médecine du travail

Vous pouvez vous entretenir avec le médecin du travail pour être en capacité de réagir efficacement à toute dénonciation.

Assister à la formation santé, sécurité et conditions de travail

Participer à la formation nécessaire à votre mission en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail prise en charge par votre employeur et la mettre en application (3).

Enquêter sur le climat dans l’entreprise

Vous pouvez mener une enquête au sein de l’entreprise afin de détecter toute situation de harcèlement qui ne serait pas dénoncée (mise en place d’un questionnaire anonyme…).

Participer à la rédaction de la charte de référence sur le harcèlement

Vous pouvez participer à l’élaboration, avec votre employeur, d’une charte de référence affirmant que la violence et le harcèlement ne sont pas admis et prévoyant la procédure à suivre si un cas survient dans l’entreprise.

Vérifier les affichages et transmissions d’informations

Vous devez vous assurer que votre employeur a bien affiché ou transmis par tout moyen (intranet par exemple) les textes relatifs à la lutte contre le harcèlement. Si ce n’est pas le cas, invitez-le à le faire dans les plus brefs délais.

Vérifier la régularité du règlement intérieur de l’entreprise

Vérifier que le règlement intérieur de l’entreprise mentionne les dispositions du Code du travail relatives au harcèlement moral. Si ce n’est pas le cas, prévenez votre employeur pour qu’il se mette en conformité et insère ces dispositions dans le règlement intérieur (4).

Savoir réagir face à une situation de harcèlement

Un salarié de l’entreprise s’est confié à vous: il subit des actes de harcèlement moral sur son lieu de travail.

Vous ne pouvez pas rester inactif, vous devez donc agir ! Voici les différentes étapes pour vous permettre de gérer la situation :

Démarches auprès du salarié

Instaurer un climat de confiance :

Tout d’abord, vous devez privilégier une écoute attentive des salariés, ce qui passe par un travail de terrain. En effet, le contact humain est primordial dans une situation de harcèlement. Accueillir et dialoguer avec les collaborateurs victimes et prétendus auteurs est une étape incontournable pour comprendre ce qu’il se passe avant de chercher à établir des solutions.

Essayez d’accueillir le salarié en souffrance dans un local à votre disposition, afin de lui assurer la confidentialité de l’échange et de lui permettre de se livrer à vous.

Dénoncer des faits de harcèlement est éprouvant et difficile pour la victime. C’est pourquoi il faut impérativement créer un climat de confiance et lui affirmer votre soutien. Cette étape est extrêmement délicate à mener car le salarié qui subit ce type d’agissement est vulnérable et extrêmement fragilisé.

Orienter le salarié vers des interlocuteurs professionnels extérieurs :

Vous pouvez jouer le rôle de relais entre le salarié harcelé et des structures associatives spécialisées, ou tout autre organe capable de lui assurer un soutien. Vous pouvez par exemple l’orienter vers un médecin, voire vers le médecin du travail, l’inspecteur du travail, un psychologue, un avocat…

Aider le salarié dans ses démarches :

Vous pouvez apporter des conseils, l’aider à constituer un dossier et à établir des preuves du harcèlement, rechercher des solutions et analyser les potentielles causes à l’origine du problème…

La victime de harcèlement doit uniquement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement (5). C’est ensuite à l’auteur des faits de prouver que ses agissements ne constituent pas des faits de harcèlement.

Démarches auprès d’autres entités :

Prévenir la direction :

Vous devez privilégier une communication du problème à la direction de l’entreprise afin de favoriser des actions directes et concrètes.

Exercer le droit d’alerte :

Dans certains cas, vous devez privilégier l’exercice de votre droit d’alerte. En présence d’une cause de danger grave et imminent concernant un travailleur, vous pouvez, en votre qualité de membre du CSE, exercer un droit d’alerte pour en informer l’employeur (6).

Ainsi, l’employeur et vous procéderez sans délai à une enquête. Des mesures pourront ainsi être prises par l’employeur pour protéger le salarié victime de harcèlement moral.

Saisir le Conseil de prud’hommes :

Si, suite à votre alerte en matière de harcèlement moral, l’employeur n’agit pas ou en cas de divergence sur la réalité du harcèlement, vous pouvez décider de saisir le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes.

Pour cela, vous devez 

  • avertir par écrit le salarié victime, de votre intention de saisir les prud’hommes ;
  • puis, s’il ne s’y oppose pas, vous pourrez alors saisir le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui statuera sous la forme des référés.

Nouveauté :

A partir du 1er janvier 2020, le Conseil de prud’hommes statuera selon la « procédure accélérée au fond » et non plus selon la « forme des référés« . (7)

Saisir l’inspection du travail :

En tant que membre du CSE, vous pouvez saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes ou observations quant au harcèlement moral dont pourrait être victime un salarié. N’hésitez donc pas à vous rapprocher de l’inspecteur du travail si vous constatez qu’il existe un manquement aux règles relatives à la lutte contre le harcèlement.

Recours à l’expertise

La loi vous accorde la possibilité de recourir à un expert (personne morale ou physique) en présence d’un risque grave, identifié et actuel, pour analyser une situation dans le détail et de façon objective (8).

Il peut s’agir d’un risque pour la santé mentale des salariés (risque de suicide, de burn-out, de dépression, d’accidents du travail, de mal être pour cause de harcèlement…).

En présence d’un climat que vous estimez tendu, le recours à l’expertise peut ainsi permettre de mettre en évidence des situations de harcèlement moral.

A savoir : les frais d’expertise en cas de risque grave, identifié et actuel sont pris en charge par l’employeur (10)

Exemples :

L’expertise est par exemple admise lorsque l’attitude méprisante d’un directeur général génère une situation de souffrance au travail s’analysant comme un harcèlement moral.

Les juges ont aussi reconnu la présence d’un risque grave, identifié et actuel et donc la possibilité de lancer une expertise dans une entreprise où (9) :

  • les démissions ainsi que les arrêts de travail étaient nombreux ;
  • les salariés pleuraient à leur poste de travail ;
  • le médecin du travail rapporte avoir rencontré des salariés en grande souffrance ;
  • les salariés se sentaient humiliés et harcelés.
 

Références :

(1) Article L1152-1 du Code du travail
(2) Article L2312-9 du Code du travail
(3) Articles L2315-18R2315-20 et R2315-21 du Code du travail
(4) Article L1321-2 du Code du travail
(5) Article L4131-2 du Code du travail
(6) Article L2312-59 du Code du travail
(7) Ordonnance n°2019-738 du 17 juillet 2019 prise en application de l’article 28 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice – art. 15
(8) Article L2315-94 du Code du travail
(9) Cass. Soc. 17 février 2016, n°14-22097
(10) Article L2315-80 du Code du travail
 
Source – JuriTravail