En cas de fusion-absorption, le CE de la société absorbante qui hérite du patrimoine du comité de la société absorbée peut agir en justice pour réclamer un rappel de budget dû à ce dernier pour les années antérieur à la fusion-absorprtion. Cette jurisprudence peut être étendue au comité social et économique.

Tout commence le 1er juillet 2012, avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, par une fusion-absorption des sociétés Xelis et Inexia par la société Systra et un transfert des contrats de travail des salariés des deux sociétés absorbées. Sachant qu’ils allaient disparaître corps et âme, les CE des deux sociétés absorbées décident de transmettre au comité d’entreprise de Systra la totalité de leur patrimoine respectif. Après expertise des comptes des « comités d’entreprise absorbés », le CE de Systra décide de réclamer en justice un rappel sur les budgets de fonctionnement et les subventions destinées aux activités sociales et culturelles des comités d’entreprise Xelis et Inexia.Quel transfert du patrimoine des CE des sociétés absorbées ?

La cour d’appel de Paris fait droit à cette demande de rappel de budgets. En désaccord complet avec la décision des juges, l’employeur fait le choix de s’en remettre à la Cour de cassation. Le pourvoi fait notamment valoir que la disparition des sociétés absorbée ne peut qu’entraîner pour les CE de Xelis et Inexia l’application du mécanisme de dévolution des biens prévu par le code du travail (article R. 2323-39) qui permet de déterminer ce que deviennent les biens du comité en cas de cessation définitive de l’entreprise. En conséquence, le comité d’entreprise de Systra ne pouvait pas avoir récupéré les éventuelles créances des « CE absorbés » et encore moins agir en justice pour en réclamer le paiement.

Le mécanisme de dévolution des biens
En cas de cessation définitive de l’activité de l’entreprise, le comité décide de l’affectation des biens dont il dispose. La liquidation est opérée par ses soins, sous la surveillance du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). La dévolution du solde des biens est réalisée au crédit :soit d’un autre comité d’entreprise ou interentreprises, notamment dans le cas où la majorité des salariés est destinée à être intégrée dans le cadre de ces entreprises ;soit d’institutions sociales d’intérêt général dont la désignation est, autant que possible, conforme aux vœux exprimés par les salariés intéressés.Les biens ne peuvent pas être répartis entre les salariés de l’entreprise ou les membres du comité. Ce mécanisme est identique dans le nouveau cadre du comité social et économique (article R. 2312-52).

Le CE de l’entreprise absorbante « hérite » des biens et créances des CE supprimés

L’argument de la direction de Systra n’emporte pas la conviction de la Cour de cassation. Pour les juges, ce mécanisme légal de dévolution des biens n’est pas applicable à « la situation du comité d’entreprise de la société ayant fait l’objet d’une opération de fusion absorption et dont les salariés ont été transférés au sein de la société absorbante ». Et d’ajouter que le comité d’entreprise de l’entreprise absorbée pouvait décider la dévolution de son patrimoine au comité d’entreprise de l’entreprise absorbante.

Dès lors que les CE des deux sociétés absorbées avaient par suite de leur dissolution dévolu leur patrimoine au comité d’entreprise de la société Systra au sein de laquelle les salariés avaient été transférés, l’ensemble de leurs biens et droits avaient été transmis. Y compris donc l’action tendant au paiement d’un rappel de budgets au titre des années antérieures à l’opération de fusion-absorption. Nul doute que cette solution peut être transposée au nouveau comité social et économique.Passage du comité d’entreprise au CSE

Dans le cadre du passage du CE au CSE, l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017prévoit que l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d’entreprise et des comités d’établissement sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques.

Certes, il n’y a pas de fusion-absorption, il n’y a ni société absorbante, ni société absorbée, il n’y a pas de transfert des salariés et c’est le CSE de la même entreprise. Néanmoins, compte tenu du fait qu’il y a transmission de plein droit, c’est-à-dire automatique, des créances du CE sortant, on peut très fortement penser que le comité social et économique pourrait réclamer un rappel de budget pour les années antérieures à sa mise en place. D’où l’intérêt, si le CSE a un doute sur le calcul des budgets du comité d’entreprise sortant, de demander à un expert-comptable d’y jeter un coup d’œil et de vérifier si l’employeur ne devait pas encore de l’argent au CE. On pourrait également en faire un argument de négociation des moyens supplémentaires pouvant être accordés au CSE…

Quel est le délai de prescription ?
Reste ensuite à savoir pendant combien de temps le comité pourrait intenter une action en paiement. D’après le droit civil, le comité social et économique ne pourra réclamer un rappel de budget que sur les 5 dernières années (article 2224 du code civil).

Source – Actuel CE