Régulièrement, nous vous présentons de manière synthétique les arrêts susceptibles d’être utiles à votre mandat de délégué du personnel. Pour plus de facilité de lecture nous les avons classés par thèmes : clauses du contrat, inaptitude, rupture du contrat, statut collectif.
Rappelons en préalable que face au CE et aux délégués syndicaux, les délégués du personnel ont un rôle spécifique. D’après l’article L. 2313-1 du code du travail, ils ont pour mission :
1°) de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise ;
2°) de saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des prescriptions législatives et réglementaires dont elle est chargée d’assurer le contrôle.
Quel sort pour les missions des DP au sein du CSE ? |
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D’ici deux mois, les délégués du personnel devront avoir définitivement disparu au profit du comité social et économique (CSE). Mais les ordonnances travail préservent au bénéfice de la nouvelle instance unique, dès le seuil de 11 salariés, l’essentiel des prérogatives attribuées aujourd’hui aux DP. Chercher à apprécier, en tant qu’élu du personnel, une situation de travail au regard des règles de droit reste donc un impératif. |
Il n’est pas rare que les DP soient saisis de difficultés liées à l’application du contrat de travail. Il s’agit pour vous d’identifier si la réclamation du salarié apparaît justifiée et de rappeler à l’employeur ses obligations légales. |
► Un vendeur d’accessoires de cuisine embauche une responsable de secteur. Son contrat de travail prévoit une clause de mobilité au sein du « secteur R02 », et en annexe la carte de la France et le découpage géographique de chacun des dix secteurs R01 à R10. La clause de mobilité indique également que « la société se réserve le droit, à tout moment, et selon sa propre initiative, d’élargir, de réduire ou modifier le secteur défini, de même que la qualification de la zone ». Le jour où la direction décide de muter géographiquement la responsable de secteur, cette dernière conteste la validité de sa clause de mobilité. À raison. Parce qu’elle « ne définit pas de façon précise sa zone géographique d’application et confère à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée », la clause est annulée par les juges (lire l’arrêt).
Jusqu’ici les délégués du personnel ne devaient être consultés, dans le cadre d’une procédure de reclassement, que lorsque celle-ci faisait suite à un accident ou une maladie d’origine professionnelle. La loi Travail étend depuis le 1er janvier 2017 cette obligation aux cas d’inaptitude faisant suite à un accident ou une maladie d’origine non-professionnelle (articles L. 1226-2 et L. 1226-10). Plus généralement, les DP doivent veiller au respect des règles relatives à la santé et à la sécurité. |
Pourquoi, en tant que DP, s’intéresser au contentieux du licenciement disciplinaire ? Tout simplement parce qu’un salarié convoqué par l’employeur à un entretien préalable de licenciement ou qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire a le droit de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (articles L. 1232-4 et L. 1332-2 du code du travail). Or il est fréquent que le salarié menacé demande à un délégué du personnel de l’assister et des conseils. |
► Un responsable d’exploitation de la société Transdev Ile-de-France est licencié pour faute grave en raison d’un harcèlement sexuel commis à l’encontre de l’une de ses collaboratrices. Il lui est reproché d’avoir envoyé à la salariée de manière répétée des SMS au contenu déplacé ou à caractère pornographique avec son portable professionnel.
En justice, le harcèlement sexuel est écarté au motif que la salariée a elle-même adopté une attitude ambiguë à l’égard de son supérieur hiérarchique. Il est constaté, d’une part, que la salariée a répondu aux SMS de son supérieur, sans que l’on puisse déterminer lequel d’entre eux avait pris l’initiative d’adresser le premier message ni qu’il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi, et, d’autre part, que la salariée a adopté sur le lieu de travail une attitude très familière de séduction avec son responsable. La Cour de cassation retient toutefois que ces faits se rattachent à la vie de l’entreprise et constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il est en effet retenu que le responsable d’exploitation a perdu « toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction » en adressant ainsi à une subordonnée, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, des SMS au contenu déplacé. Ce comportement est jugé « incompatible avec ses responsabilités » et justifiant « un licenciement disciplinaire » (lire l’arrêt).
► Le directeur de l’équipe « Programme management solutions » d’Airbus emmène son équipe trois jours en Allemagne pour un stage « team booster ». La dernière épreuve de ce stage consiste pour les salariés à casser tour à tour une bouteille en verre enroulée dans une serviette à l’aide d’un marteau, à déposer le verre brisé sur un morceau de tissu étendu au sol et de faire quelques pas sur le verre ainsi brisé pieds nus. Tous les participants s’exécutent, à l’exception d’un, qui sort de la salle en larmes, avant d’être contraint de revenir pour expliquer au groupe qu’il refuse de participer à l’activité parce qu’il est porteur d’une pathologie.
De retour en France, le directeur est licencié pour grave. Il lui est reproché de ne pas être intervenu durant le stage pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs. En justice, et même si le prestataire qui a organisé l’évènement de « team building » était référencé par Airbus, il est retenu le manquement du directeur à son obligation de sécurité prévue par l’article L. 4122-1 du code du travail (lire l’arrêt).
► En vue d’un rendez-vous avec l’expert-comptable de l’entreprise, l’employeur d’une PME demande à sa secrétaire en arrêt maladie pour la semaine d’accéder à un dossier stocké dans l’ordinateur de cette dernière. La salariée refuse de communiquer son mot de passe. Interpellé par ce refus, l’employeur profite quelques jours plus tard de l’absence temporaire de la salariée à son poste de travail pour accéder à cet ordinateur. Il découvre alors, à travers la lecture de l’historique de messagerie instantanée privée MSN de la secrétaire, qu’elle a recueilli des documents confidentiels auxquels elle n’a normalement pas accès (bulletins de paie, CV, attestations Assedic, soldes de tous comptes du personnel) et communiqué ces documents à une collègue. Le licenciement pour faute grave est immédiat. Mais à tort. Les échanges électroniques litigieux, envoyés depuis le poste de travail professionnel mais via la messagerie instantanée rattachée à l’adresse mail privée de la secrétaire, sont couverts par le secret des correspondances et ne peuvent donc pas justifier un licenciement (lire l’arrêt).
La loi donne vocation aux DP de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives « aux conventions et accords applicables dans l’entreprise » (article L. 2313-1 du code du travail). Il est donc important de savoir décrypter les règles collectives imposées aux salariés. |
► Le responsable de gestion d’une société d’exploitation d’eaux de sources obtient, après 14 ans dans l’entreprise, la résilitation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur (en raison d’un harcèlement moral). Le calcul de l’indemnité conventionnelle de rupture du contrat pose alors problème. En effet, l’article 11.10 de la convention collective nationale « des activités de production des eaux embouteillées et boissons rafraîchissantes sans alcool et de bières » prévoit une indemnité de licenciement des cadres en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise :
– pour la tranche de 1 à 5 ans : 2/10e de mois par année d’ancienneté ;
– pour la tranche de 6 à 10 ans : 3/10e de mois par année d’ancienneté ;
– pour la tranche de 11 à 20 ans : 4/10e de mois par année d’ancienneté ;
– pour la tranche au-delà de 20 ans : 5/10e de mois par année d’ancienneté.
Pour la Cour de cassation, lorsque la convention de branche est ainsi rédigée, le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement doit s’opérer par tranche d’ancienneté. Le salarié ne peut donc pas prétendre à une indemnité de licenciement égale à 4/10e de mois calculée sur la base de l’intégralité de ses 14 années d’ancienneté (lire l’arrêt).