« La nullité d’un accord collectif relatif à la mise en place d’institutions représentatives du personnel n’a pas d’effet rétroactif », déclare la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juin. L’occasion de limiter le contentieux à venir sur la mise en place du comité social et économique ?

A l’occasion d’un litige portant sur le périmètre d’implantation d’un CHSCT, la Cour de cassation pose le principe selon lequel l’annulation d’un accord portant sur la mise en place des institutions représentatives du personnel (IRP) n’a pas d’effet rétroactif. En d’autres termes, il n’est pas possible de remettre en cause ce qui a déjà été fait par l’instance. Cette solution tombe à point nommé en vue du déploiement du comité social et économique (CSE) dans toutes les entreprises.

Deux CHSCT désignés en application d’un accord illicite

Par un arrêt du 22 février 2017, la chambre sociale a déclaré illégal un accord conclu entre deux CHSCT d’une même entreprise portant sur le périmètre d’implantation des différents comités de l’entreprise. Pour les juges, il revenait à un accord conclu entre l’employeur et le comité d’entreprise d’opérer cette répartition (l’article L. 4613-4 du code du travail prévoit en effet que dans les établissements d’au moins 500 salariés, le nombre de CHSCT à mettre en place est déterminé par accord entre l’employeur et le comité d’entreprise et non par accord entre différents CHSCT).

Mais l’affaire est revenue devant la Haute Cour. Les syndicats demandent cette fois l’annulation des désignations au CHSCT faites en application de cet accord reconnu illicite.

Pas de remise en cause des désignations aux CHSCT

La chambre sociale retient aujourd’hui que l’accord, bien qu’illicite, a reçu application et que les désignations qui en résultent ne peuvent pas être remises en cause. En tant que telle, la solution de cet arrêt n’a qu’une portée limitée puisqu’elle concerne le périmètre d’implantation d’un CHSCT, instance vouée à disparaître au plus tard le 31 décembre 2019.

Mais la Cour de cassation profite de cet arrêt d’espèce pour poser le principe selon lequel « la nullité d’un accord collectif relatif à la mise en place d’institutions représentatives du personnel n’a pas d’effet rétroactif ».

Le juge veut-il sécuriser les accords de mise en place du CSE ?

On peut se demander pourquoi la Cour de cassation utilise cet arrêt pour poser ce principe, l’accord entre les deux CHSCT ne constituant pas juridiquement un accord collectif. A notre sens, la chambre sociale souhaite ici plutôt viser les futurs accords sur la mise en place du CSE, ce qui permettrait de les sécuriser et limiter le contentieux. Suite aux ordonnances du 22 septembre 2017 et à la création du comité social et économique, l’accord collectif prend une importance considérable dans la mise en place de l’instance. Périmètres des établissements distincts, commission santé et sécurité, représentants de proximité, attributions du CSE, etc. des points essentiels de l’instance peuvent être négociés. Compte tenu de la marge de manoeuvre laissée aux partenaires sociaux, du contentieux est à prévoir. Dans l’hypothèse où le juge annulerait un accord de mise en place du CSE, la Cour de cassation semble préciser qu’il n’y aurait aucun effet rétroactif.

La Cour de cassation n’évoque ici que les accords de « mise en place » des instances représentatives du personnel. Que signifie exactement cette expression ? Nous ne pouvons pas précisément le dire.
Pas d’effet rétroactif de l’annulation d’un accord sur les IRP

La Cour de cassation se place ainsi dans la lignée de sa jurisprudence sur l’annulation des élections des représentants du personnel. En effet, l’annulation de l’élection des membres du CE n’a pas d’effet rétroactif, de sorte qu’elle est sans incidence sur la désignation des délégués syndicaux (lire l’arrêt du 11 mai 2016). De même, l’annulation des élections des délégués du personnel ne prive pas les candidats de la protection dévolue aux représentants du personnel (lire l’arrêt du 11 mai 1999).

En matière de représentation du personnel, pour sécuriser les décisions prise par les instances, la Cour de cassation ne fait pas jouer la rétroactivité de l’annulation des accords comme elle le fait habituellement en droit commun de la négociation collective.

Il est enfin à noter que les ordonnances Travail permettent également au juge, en cas d’annulation de tout ou partie d’un accord ou d’une convention collective, de décider, « s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement » (article L. 2262-15 du code du travail).

Source – Actuel CE