La sanction n’est pas nouvelle, mais elle reste néanmoins impitoyable : à défaut d’organisation des élections professionnelles, l’employeur est redevable de dommages et intérêts aux salariés privés de représentation, et ce sans avoir à prouver le moindre préjudice. Et seul le procès-verbal de carence peut justifier l’absence d’institutions représentatives dans l’entreprise ou l’établissement.
Des faits de cette affaire, on sait peu de chose : un chargé des affaires sociales part à la retraite et agit en justice contre son ancien employeur. Il demande notamment des dommages et intérêts en raison de l’absence d’organisation des élections des délégués du personnel. Il est débouté par la cour d’appel, mais la Cour de cassation n’est pas d’accord.
Elle rappelle que « l’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un PV de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation de leurs intérêts. » Et ce, précise la Cour, alors même que le salarié n’avait interpellé l’employeur sur les élections professionnelles qu’au terme d’une collaboration de 18 ans et pendant son délai de préavis, et qu’il n’invoque ni ne rapporte la preuve d’aucun préjudice.
La Cour de cassation confirme ainsi une jurisprudence bien établie (par exemple, Cass. soc., 20 janv. 2015, n° 13-23.431 ou Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22.224), toujours au visa de l’article L. 2313-1 du code du travail (L. 2312-5 ou L.2312-8 pour le CSE), dans sa rédaction alors applicable, ensemble l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 1240 du code civil et l’article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.
L’absence de PV de carence a d’autres lourdes conséquences en matière de licenciement économique et d’indemnisation en cas d’inaptitude. Il devient également impossible de dénoncer régulièrement un usage, ou de conclure, réviser ou dénoncer un accord collectif avec un ou plusieurs salariés mandatés, ou même encore d’instituer un accord d’intéressement. En outre, l’employeur pourrait être poursuivi au pénal pour délit d’entrave. Rappelons en outre que pour le CSE, la production d’un PV de carence donne un délai de 6 mois après l’organisation des élections infructueuses à l’employeur pour en organiser de nouvelles en cas de demande d’un syndicat ou d’un salarié (art. L. 2314-8 du code du travail).
C’est à toutes ces conséquences que s’exposent notamment les entreprises qui n’ont pas organisé d’élections de CSE dans les temps. En effet, à compter du 1er janvier 2020, les anciennes instances disparaissent par l’effet de la loi. A cette date, donc, tant que l’employeur ne peut justifier d’un PV de carence aux élections du CSE, il pourrait voir les contentieux et les irrégularités s’accumuler, et ce, alors même que le ministère du Travail plaide pour une certaine souplesse dans les premiers temps (lire notre article).
Quand le PV de carence date d’avant la publication des ordonnances…
|
---|
Pour les entreprises qui disposaient d’un PV de carence avant la publication des ordonnances, celui-ci continue de produire ses effets pour la durée des mandats à l’élection à laquelle il se rapporte, explique le inistère du Travail dans ses questions-réponses sur le CSE. En conséquence, si les mandats étaient de 4 ans, le PV de carence reste valable jusqu’à son échéance, et donc même au-delà du 31 décembre 2019. Toutefois, attention, les dispositions de droit commun s’appliquent lorsqu’une organisation syndicale ou un salarié de l’entreprise le demande : l’employeur doit, dans le mois qui suit la demande, engager la procédure électorale. |
Source – Actuel CE