Dans de nombreuses entreprises, le recours à l’activité partielle, la fin des CDD mais aussi la décrue prévisible des parts variables vont provoquer une baisse de la masse salariale soumise à cotisations, et donc une baisse de la subvention que l’employeur doit verser au CSE, avertissent les experts comptables.

Entre confinement et télétravail, entre activité partielle et reprise d’activité, entre distanciation physique et port du masque en lieu clos, quel CSE n’a pas vu son quotidien et ses prévisions chamboulés par la crise sanitaire ? « Depuis 6 mois, nous n’avons quasiment plus rien fait question activités sociales et culturelles. On va maintenir les cadeaux de fin d’année mais sans l’arbre de Noël et sans la fête donnée aux salariés, en espérant pouvant l’organiser en 2021, peut être dans un espace extérieur », témoigne cette élue d’un CSE d’environ 300 salariés qui a participé au dernier salon Eluceo au stade de France.

L’urgence a bien sûr orienté l’action des élus vers la santé sécurité et vers l’emploi et les sujets économiques. « C’est clair. En ce moment, les élus sont sous l’eau », commente l’expert-comptable Xavier Huault-Dupuy, du cabinet Bec. Mais les conséquences de la crise ouverte par le confinement et la baisse d’activité doivent maintenant inciter les membres des CSE à réfléchir à la situation budgétaire du comité mais aussi aux services proposés aux salariés, prévient Frédéric Gastine, consultant de Tandem expertise spécialisé dans la tenue des comptes des comités sociaux et économiques. Sinon, le réveil risque d’être brutal. « Compte-tenu de la situation, on imagine très bien un employeur répondre aux représentants du personnel qui revendiquent une hausse salariale lors des NAO : « Mais vous avez vu tout ce qu’il vous reste de budget dans les oeuvres sociales, pourquoi ne le redistribuez vous pas aux salariés ? » Si vous n’avez pas travaillé sur ces sujets et préparé votre stratégie et vos arguments, vous risquez d’être mis en difficulté, y compris devant les salariés », alerte Frédéric Gastine. 

Une baisse de 16% de la masse salariale au 2e trimestre 2020

Encore faut-il que ce reliquat existe ! Après la situation sanitaire et sociale, la première urgence de la rentrée pour les comités est sans doute de faire un point sur les effets de la crise sanitaire sur la masse salariale, et donc sur le financement de l’instance. Les entreprises qui ont eu massivement recours à l’activité partielle, et donc à un financement public des salaires via l’Etat et l’Unedic, vont voir leur masse salariale baisser en 2020. Selon l’Acoss, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale, la masse salariale soumise à cotisations sociales du secteur privé a chuté de 15,8% au deuxième trimestre 2020, après une baisse de 2,8% au premier trimestre, le mois de juillet affichant un recul de 4,7% par rapport à juillet 2019. « Le recours aux arrêts maladies et au chômage partiel a conduit à substituer aux salaires des indemnités non soumises à cotisations sociales et donc non comptabilisées dans l’assiette salariale », explique l’Acoss dans son dernier baromètre

Cela aura des conséquences sur la dotation du comité. En effet, depuis 2018, celle-ci est calculée sur la base de la seule masse salariale soumise à cotisations, ce qui n’englobe pas les allocations de l’activité partielle. Dominique Neyrand, expert-comptable associé de la société Scop-CE, spécialisée dans la tenue des comptes des CSE et associations, recommande aux élus de demander sans attendre aux RH de chiffrer l’impact de l’activité partielle mais aussi de la fin de nombreux CDD sur la masse salariale.

N’attendez pas pour demander à l’employeur l’évolution de la masse salariale 

 

« Avec la déclaration sociale nominative (DSN), il n’est généralement pas compliqué d’avoir ce chiffre tous les mois » indique-t-il. D’ailleurs, certains employeurs ajustent rapidement la dotation versée au CSE, histoire de ne pas avoir à leur demander des remboursements ultérieurs, mais d’autres ne le font pas et continuent de verser des acomptes calculés sur la base de la masse salariale de l’année précédente, ce qui peut donner lieu à des ajustements importants ensuite.

Il faut savoir en effet qu’il n’existe pas de règle légale quant aux modalités de versement de la subvention au CSE. La loi commande aux employeurs de verser une subvention annuelle aux CSE (voir l’article L. 2315-61), mais le code du travail ne précise pas les modalités de ce versement, qui peut être annuel, semestriel, trimestriel ou mensuel, selon l’accord passé avec le CSE ou selon la pratique, la seule condition étant que le CSE puisse fonctionner normalement, autrement dit sans qu’il ait à quémander à tout propos ses ressources auprès de l’employeur. « Ce que nous voyons, c’est soit une dotation versée chaque mois selon les chiffres réels de la masse salariale du mois précédent, soit un système d’acomptes de dotation basés sur la masse salariale de l’année précédente. Cette année, la situation est assez inédite. J’ai vu une entreprise qui a déjà annoncé au CSE sa décision de réduire sa dotation au 3e et 4e trimestre pour tenir compte de la baisse d’activité », constate Xavier Huault-Dupuy, du cabinet Bec, qui conseille aux élus d’éplucher les informations données régulièrement sur l’évolution du nombre de contrats de travail dans l’entreprise. 

Un autre facteur va jouer dans l’évolution des ressources des CSE, et dans des proportions importantes dans secteurs secteurs comme le commerce ou les banques, souligne Xavier Huault-Dupuy : la part variable. Son montant n’est généralement connu qu’en fin du premier trimestre de l’année suivante et il influence donc la masse salariale de l’année précédente. Pour 2020, tout porte à croire qu’il faut s’attendre à une forte baisse.

Incertitude sur la reprise et sur les comportements

A cette baisse des dotations s’ajoute un autre motif de préoccupation : l’incertitude sur la reprise économique à venir et ses futurs effets sur le budget du comité. Si certains secteurs ne s’en sortiront pas trop mal voire plutôt bien (alimentation, médico-social, bricolage, etc.), d’autres risquent de souffrir durablement, ou plutôt de ne pas remonter si vite la pente, comme le BTP ou certains secteurs industriels dont certains sont menacés par une nouvelle vague de délocalisations, comme le montre l’exemple de Bridgestone.

 Les avoirs des voyages vont-ils pouvoir être utilisés ?

 

En outre, l’inconnue des comportements personnels à l’égard des loisirs reste forte. « Il est très compliqué aujourd’hui de calculer un budget prévisionnel.  Qui veut encore aller au cinéma aujourd’hui ? Les activités de loisirs vont-elles repartir en 2021 ? Personne ne le sait », estime Dominique Nayraud. A court terme, certains CSE pourraient devoir passer par pertes et profits les dépenses effectuées pour des prestations qui ne pourront pas être consommées. La question vaut pour certains voyages reportés du fait du système des avoirs mis en place, « car quelle sera la santé de certains prestataires dans six mois? » s’interroge un professionnel. Mais cela vaut aussi pour les billetteries dont la date d’échéance a déjà été repoussée et que les prestataires ne veulent plus renouveler, d’où des risques de pertes brutes. « Ne misez pas tout sur des bons d’achats pour faire plaisir aux salariés, conseille cependant Dominique Neyrand, car la raison d’être du CSE, c’est le collectif, sauf à ce que les ASC finissent par se transformer en une simple ligne sur la feuille de paie des salariés ».

Qu’imaginer en lieu et place des activités prévues ? Faut-il utiliser des réserves non consommées en faisant plus de redistribution, en garder prudemment une partie ou au contraire définir d’autres priorités si les ressources sont plus faibles ? Pour l’heure, Xavier Huault-Dupuy suggère aux élus de construire un budget prévisionnel similaire à celui d’une année « normale », à la fois pour les subventions et les dépenses, quitte à ajuster ces prévisions par un budget modificatif lorsque l’instance disposera des chiffres réels, car si certaines dépenses ASC s’annulent, d’autres pourront peut-être les remplacer.

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