Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Pas de question sur le Covid en octobre : les interrogations ont porté sur le rôle des élus et salariés dans la prévention des risques, sur la diffusion du PV de réunion du CSE, et sur la privation d’un salarié de son matériel de vote par l’employeur.
Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre-Sarrut (*), les juristes d’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois d’octobre.
 
Question n°1
« Quel est le rôle des salariés et des élus du personnel dans la prévention des risques professionnels ? »
 

► La réponse de Stéphanie Ménégakis-Lacheré, juriste à l’Appel Expert

La désignation de salariés ou d’élus permet à l’employeur d’avoir des remontées de terrain

Il faut revenir à l’article L.4644-1 du code du travail dont le premier alinea dispose que « l’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ». Cet article permet la désignation de salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise, comme la planificaion ou le suivi d’actions. Mais l’article R.4344-1 du même code précise que les salariés et élus ainsi choisis par l’employeur sont désignés « après avis du comité social et économique s’il existe ».

C’est également le sens de la circulaire DGT n° 13 du 9 novembre 2012 sur la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail. Le point 2.4 considère cette désignation répond aux exigences de la directive du 12 juin 1989 sur les mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Cette circulaire se situe dans la droite ligne d’une autre circulaire DRT n° 6 du 18 avril 2002, un texte central en matière de prévention des risques car il insiste sur l’importance pour l’employeur d’adopter une approche globale et pluridisciplinaire pour analyser et traiter les risques professionnels. Il prescrit également que les salariés et les élus associés au travail de prévention détiennent des connaissances complémentaires dans ce domaine. Ainsi, l’employeur n’est pas seul dans la gestion des risques, et la possibilité d’associer des salariés et des élus lui donne aussi des remontées d’informations de terrain.

Le code du travail va même plus loin : s’il n’est pas possible de trouver des personnes en interne détenant des compétences en prévention des risques pour mettre en oeuvre l’article L.4644-1, l’employeur peut, après avis du CSE, faire appel à des intervenants externes comme des personnels des services de santé interprofessionnels, des services de prévention des caisses de sécurité sociale, des préventeurs, des spécialistes de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) ou de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail).

On rappelle enfin que le CSE détient une mission générale de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel (article L2312-5 du code du travail). Son droit d’alerte en cas par exemple de danger grave et imminent ou d’atteinte au droit des personnes lui permet également d’agir en cas de risque sur la santé physique et mentale des salariés (articles L.2312-59 et s.).

Question n°2
« Un élu peut-il mettre en ligne un procès-verbal de réunion de CSE à disposition du grand public , »
 

► La réponse de Stéphanie Ménégakis-Lacheré, juriste à l’Appel Expert

 Les textes ne font aucune référence à une quelconque diffusion à l’extérieur du procès-verbal

Dans l’équipe du CSE, un élu souhaitait mettre le procès-verbal de réunion à disposition du grand public sur internet. Voyons tout d’abord les règles de diffusion des PV : selon l’article L.2315-35 du code du travail, « le procès-verbal des réunions du comité social et économique peut, après avoir été adopté, être affiché ou diffusé dans l’entreprise par le secrétaire du comité, selon des modalités précisées par le règlement intérieur du comité ». Force est de constater que ce texte ne fait aucune référence à une quelconque diffusion extérieure du procès-verbal. Quant aux personnes extérieures à l’entreprises susceptibles de pouvoir recevoir le document, il est communément admis que les experts qui assistent le CSE peuvent en être destinataires. En revanche, comme l’a tranché la Cour d’appel de Grenoble dans un arrêt du 31 janvier 1985, le comité d’entrerprise ne peut transmettre les procès-verbaux à des tierces personnes dans le cadre de leurs recherches universitaires. Les experts autorisés à recevoir les PV se conçoivent donc au sens strict comme étant uniquement ceux qui assistent les CSE. Il faut donc être vigilant quant à la qualité des personnes destinataires si on transmet les PV hors de l’entreprise.

 

Question n°3
« Que risque l’employeur qui refuse d’envoyer par voie postale le matériel de vote à un salarié ? »
 

► La réponse de Stéphanie Ménégakis-Lacheré, juriste à l’Appel Expert

L’employeur doit respecter les dispositions du protocole d’accord préélectoral. A défaut, l’élection pourrait être annulée ​
 

Voici le contexte de cette question : une salariée se trouve hors métropole, en Outre-mer, au moment des élections. Afin de pouvoir voter, elle demande l’envoi du matériel de vote (il peut s’agir de codes d’accès à la plateforme de vote, ou de bulletins par exemple). L’employeur envisage alors de s’en abstenir en arguant que l’absence de vote de la salariée serait sans conséquence sur le résultat des votes. Ce raisonnement doit être écarté : l’employeur doit respecter les dispositions du protocole d’accord préélectoral qui prévoit le vote par correspondance. La question de l’influence réelle d’une absence de vote sur les résultats du scrutin nécessiterait une étude au cas par cas, en fonction de l’effectif et du contexte du vote. On trouve beaucoup de jurisprudence sur ces sujets, les contentieux sont nombreux et peuvent aller jusqu’à l’annulation des élections. Par exemple, dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 octobre 1985, les juges ont considéré que justifie sa décision d’annuler les élections le tribunal qui constate que 13 salariés d’un établissement n’avaient pas eu normalement à leur disposition le matériel de vote par correspondance et qu’ils n’avaient pas été en mesure de voter en temps utile, ce qui avait eu une incidence sur les résultats du scrutin, le quorum (1) de 57 n’ayant pas été atteint, seuls 55 votes ayant été exprimés. On peut bien sûr ajouter que l’employeur s’abstenant de faire parvenir à la salariée le matériel de vote porte atteinte à ses droits électoraux fondamentaux.

(1) Le quorum est atteint lorsque le nombre de suffrages valablement exprimés (hormis les bulletins blancs et nuls) est au moins égal à la moitié du nombre des électeurs inscrits.

(*) le groupe auquel appartient Les Editions Législatives, éditeur d’actuEL-CSE.fr.

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